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AYME AVEC CELINE
Marcel Aymé - « Une vie, une œuvre » (1991)
Marcel AYMÉ (1902-1967) débarque à
Paris en 1923 pour suivre des études de médecine et
exerce plusieurs métiers. Ses débuts de romancier en
1926 (Brûlebois)
lui valent quelques succès jusqu'à se voir décerner
le prix Renaudot en 1929 pour La
Table-aux-crevés, et
le prix Blumenthal de littérature l'année suivante.
Il s'installe à Montmartre en 1930 et
ne quittera plus le quartier. C'est probablement
vers 1934 chez Gen Paul qu'il fera la connaissance
de Céline.
L'atelier du peintre est décrit dans Avenue
Junot (Je suis
partout, 1943), nouvelle mettant en scène
Céline, déjà évoqué dans La Carte, publiée
dans La Gerbe le 2 avril 1942, en personnage
grincheux et antisémite. De ce traitement, qu'il
interprétera d'abord comme une manœuvre de Marcel
Aymé pour se dédouaner, Céline garda quelques
ressentiment. [...] Marcel Aymé prit probablement
l'initiative d'entamer des relations épistolaires
avec l'exilé début mars 1947, dont on n'a retrouvé
que la première réponse de Céline (14 mars) et
témoigna à décharge dans l'enquête
du Libertaire comme
lors du procès.
Marcel Aymé séjourna à Klarskovgaard du 8 au 11 mars 1951. « Marc
Empième », le maître du chat Alphonse, honoré
dans Féerie, sera un des rares écrivains,
selon Céline, à figurer dans les dictionnaires dans
deux ou trois siècles. Les deux amis se revirent
fréquemment route des Gardes et au Gros-Rouvre
chez Marcel Aymé, qui
assista aux obsèques de Céline au cimetière de
Meudon. [...] Source : Dictionnaire
de la correspondance,
Du Lérot, 2012.
(Le Petit Célinien, jeudi 25
sept. 2014).
***
Marcel Aymé ne fit pas que
correspondre avec Céline, il lui rendit visite au
Danemark du 8 au 11 mars 1951. Sur Marcel Aymé, Pol
Vandromme écrit, notamment : " Philosémite à
l'époque de l'étoile jaune, Marcel Aymé secourut
Céline sans faillir.
Partisan de l’Algérie algérienne, il soutint
cependant Bastien Thiry, l’ultra de l’Algérie
française et commanditaire de l’attentat du Petit
Clamart. « Ils ne se rendent pas compte me
disait-il : l’Algérie française, c’est la France
algérienne. "
Il admirait le talent du jeune Blondin, son sens inné
du canular et sa langue, consistante dira t-il, souple,
vive et irisée. En le lisant on a l'impression de boire
un vin du pays.
Le talent de Nimier était, lui aussi, incontestable aux
yeux de Marcel Aymé, mais il appréciait surtout chez
l'auteur du Hussard bleu, son enthousiasme et sa
sensibilité. Il se sentait très proche de Roger pour ce
besoin commun qu'ils avaient l'un et l'autre de
s'étourdir pour échapper aux réalités décevantes qui
s'offraient à leurs yeux.
C'est lors des premières présentations que Céline se
distingua particulièrement avec un mot devenu célèbre ;
s'adressant au jeune Blondin il lui dit : " Ah ! c'est
vous Antoine Blondin, je dois vous dire que vos livres
ne pèsent pas lourds et que quand ils me tombent des
mains, ils ne me font pas mal aux pieds. "
L'ambiance était néanmoins agréable
lors de ces rencontres dominicales, à quelques
exceptions près quand même ; ainsi un jour que Marcel
était rentré à Paris plus tôt que prévu et voyant sa
mine déconfite, son épouse lui demanda ce qui n'allait
pas.
" Céline m'a dit que j'avais une tête de sale juif "
répondit Marcel. Il fallu tout l'entregent de la
merveilleuse Lucette pour forcer Céline à se
réconcilier... jusqu'à la dispute suivante.
Marcel Aymé, grand seigneur, n'en
tint jamais vraiment rigueur à Céline et quand ce
dernier mourut, il vint à Meudon, où il veillera le
corps toute la nuit, accompagné par Robert Poulet,
Bonvilliers et Pierre Duverger.
Gageons que cette nuit là il a dû se remémorer le jour
où, poursuivi par une de ses maîtresses jusque chez
Céline, il avait dû se cacher dans les toilettes une
bonne partie de la journée, le temps que Lucette,
toujours elle, persuade la dame qu'il n'était pas dans
la maison !
(André Duval, Céline et Marcel Aymé, 12 octobre 2023).
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